Produits phytopharmaceutiques Cruiser - Le tribunal donne raison aux abeilles

Décision de justice
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Par quatre jugements du même jour, le tribunal annule, à chaque fois pour erreur de droit, les autorisations de mise sur le marché du Cruiser 350, du Cruiser FS et du Cruiser OSR et rejette la demande d’annulation du retrait de mise sur le marché du Cruiser OSR.

Ces produits sont fabriqués et commercialisés par la société Syngenta Seeds SAS. Il s’agit de produits phytopharmaceutiques contenant notamment du thiamethoxam, molécule chimique de la famille des néonicotinoïdes.

Suivant l’avis alors favorable de l’agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), fusionnée depuis au sein de l’agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSSAET), le ministre de l’agriculture avait délivré les autorisations de mise sur le marché, en 2010, du Cruiser 350 [1] et en 2011 du Cruiser FS[2] et du Cruiser OSR[3].

Cependant, le 29 mars 2012, a paru une étude dans la revue Science mettant en cause les effets du thiamethoxam sur le retour à la ruche des abeilles butineuses et sa responsabilité dans le déclin des colonies d’abeilles domestiques.

Cette publication a alerté les autorités nationales et européennes et, après un nouvel avis de l’ANSSAET, le ministre de l’agriculture a décidé le 29 juin 2012 de retirer les autorisations de mise sur le marché des préparations contenant du thiamethoxam commercialisées en France, dont la préparation Cruiser OSR.

I. Dans les trois premiers dossiers, la confédération paysanne - syndicat d’agriculteurs, le syndicat national de l’apiculture et l’union nationale de l’apiculture française contestaient les autorisations de mise sur le marché des préparations Cruiser.

Le tribunal juge que, pour évaluer l’ampleur du risque à court et à long terme auquel les abeilles communes pourraient être exposées après l’application des préparations Cruiser, le ministre n’avait pas respecté la méthodologie des quotients de danger prescrite par l'arrêté du 6 septembre 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques[4]&[5]. Or, le tribunal estime que cette méthodologie est applicable aux produits phytopharmaceutiques dits « systémiques » tels que le Cruiser, qui ne sont pas appliqués par pulvérisation, mais par enrobage de semences.

En outre, le tribunal considère que le ministre n’a pas apporté d’éléments suffisants permettant d’établir que la méthode retenue d’évaluation des risques permettait de déroger aux seuils fixés de quotient de danger[6].

En conséquence, par application de la jurisprudence du conseil d’État[7], le tribunal a annulé pour erreur de droit les autorisations de mise sur le marché des préparations Cruiser.

II. Dans le dernier dossier, la société pharmaceutique contestait le retrait de l’autorisation de mise sur le marché de la préparation Cruiser OSR.

Le tribunal juge que l’étude parue dans la revue Science et mise en ligne le 29 mars 2012, postérieurement à l’autorisation de mise sur le marché du Cruiser OSR, a permis, par une méthodologie et une technologie nouvelles[8], de mettre en évidence que l’exposition des abeilles butineuses à des doses sublétales autorisées de thiaméthoxam avait des effets graves sur leur retour à la ruche.

Cette étude a ainsi été de nature à établir le caractère insuffisant de la méthodologie suivie jusqu’alors et, par suite, le risque grave qu’était susceptible de présenter pour les abeilles l’utilisation des semences traitées avec des produits contenant du thiaméthoxam.

Le tribunal a donc rejeté la demande d’annulation de la décision de retrait de mise sur le marché de la préparation Cruiser OSR.

TA Versailles 2015-06-30 confédération paysanne - syndicat d’agriculteurs, syndicat national de l’apiculture et union nationale de l’apiculture française, 1105178 & 1106579, C (Cruiser 350)

TA Versailles 2015-06-30 confédération paysanne - syndicat d’agriculteurs, 1105198, C (Cruiser FS)

TA Versailles 2015-06-30 syndicat national de l’apiculture et union nationale de l’apiculture française, 1105918 & 1106618, C (Cruiser OSR)

TA Versailles 2015-06-30, 1204342, C (retrait du Cruiser OSR)

 

[1] Pour le traitement de semences contre les oscinies, les taupins, les pucerons et les cicadelles sur le maïs grain, le maïs ensilage et le maïs porte-graine femelle.

[2] Pour un usage sur les pois.

[3] Pour les crucifères oléagineuses.

[4] Arrêté interministériel du 6 septembre 1994 portant application du décret n° 94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques : dispositions prises pour transposer la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques

[5] « l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, de l’environnement et du travail, pour évaluer l’ampleur du risque à court et à long terme auquel les abeilles communes pourraient être exposées après l’application du produit […], n’a pas examiné le ratio entre la dose d’application maximale en grammes de substance active par hectare et la dose produisant, par voie orale ou par contact, la mortalité de 50 % des individus intoxiqués (DL 50 par voie orale et par contact), exprimée en microgrammes de substance active par abeille, et n’a ainsi pas respecté la méthodologie des quotients de danger prescrite » (cf. i) du b) du paragraphe 2.5.2.3 du B de la partie I de l’annexe III à l’arrêté du 6 septembre 1994).

[6] Le paragraphe 2.5.2.3. du C de la partie I de l’annexe III à l’arrêté du 6 septembre 1994 permet en effet à titre dérogatoire de délivrer une autorisation à un produit phytopharmaceutique, alors même que les quotients de danger d’exposition des abeilles sont supérieurs au seuil fixé par la directive, mais à la condition qu’« une évaluation appropriée du risque » établisse concrètement que « l’utilisation du produit phytopharmaceutique dans les conditions proposées n’a pas d’impact inacceptable sur les larves, le comportement des abeilles et la survie et le développement de la colonie ».

[7] CE 2011-02-16 confédération paysanne et autres, 314016, B.

[8] Au moyen d’un transpondeur d’identification par fréquence radio collé sur le thorax des abeilles butineuses et de détecteurs enregistreurs installés à l’entrée des ruches.

 

Contact presse

Alexandre Lombard – 06 58 22 40 88 – alexandre.lombard@juradm.fr