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Le tribunal était saisi de 44 requêtes présentées par des agents de La Poste exerçant leurs fonctions au sein de la plateforme industrielle courrier Paris-Sud-Wissous. Ces agents avaient exercé leur droit de retrait du 18 mars au 10 avril 2020 au motif qu’ils se trouvaient devant une situation de danger grave et imminent sur leur lieu de travail du fait de la propagation de l’épidémie de Covid-19.
La Poste a considéré que l’exercice du droit de retrait n’était pas justifié car elle estimait avoir pris l’ensemble des mesures nécessaires pour garantir aux agents leur santé et leur sécurité. Elle leur a, en conséquence, notifié des retenues sur traitement pour les jours non travaillés.
Ces agents ont demandé au tribunal l’annulation de ces décisions, ainsi que la restitution des retenues opérées sur leur traitement.
Dans ses jugements rendus le 17 février 2022, le tribunal, après avoir rappelé le contexte sanitaire pendant la période en cause et ses implications législatives et réglementaires, relève que des masques n’ont été fournis à l’ensemble des agents qu’à compter du 8 avril 2020, alors qu’ils étaient informés de l’utilité de porter un masque pour endiguer la contamination dès le 17 mars 2020. Il note également que la distance physique d’au moins un mètre entre deux agents ne pouvait, compte tenu des effectifs et de l’organisation du travail, être garantie dans le hall de production, et en particulier sur certains chantiers.
Il précise, en outre, que la nouvelle organisation du travail mise en place à compter du 30 mars 2020, devant, en principe, limiter la présence simultanée sur le site à 125 personnes au lieu de 250, ne permettait pas d’assurer de manière constante le respect de la distanciation physique nécessaire dans l’enceinte de la plateforme compte tenu notamment des effectifs présents sur certaines plages horaires, plus importants que le maximum prévu, alors qu’aucun masque n’était encore fourni aux agents par la société La Poste.
Il estime, par ailleurs, que si les consignes sanitaires relatives au lavage des mains ont été affichées et régulièrement rappelées, les kits de nettoyage composés notamment d’une bouteille individuelle de gel hydroalcoolique n’ont cependant été placés sur chaque poste de travail qu’à compter du 24 mars 2020 et qu’il n’est pas démontré que les 3 points collectifs de distribution de gel hydroalcoolique étaient, jusqu’à cette dernière date, suffisants, compte tenu de la superficie du hall de production, pour permettre au personnel de se désinfecter les mains à intervalles réguliers.
Il relève enfin que si le 17 mars 2020 certains membres du CHSCT ont signalé au président du comité et directeur de la plateforme Paris-Sud-Wissous, un danger grave et imminent concernant l’ensemble des personnels lié au risque de contamination par la covid-19 dans l’enceinte de la plateforme, ce signalement n’est pas susceptible de justifier à lui-seul, l’exercice par les requérants de leur droit de retrait, mais il est toutefois de nature à influer sur leur perception de la dangerosité de leur situation de travail.
Pour l’ensemble de ces raisons, et alors même que La Poste était dans l’incapacité de fournir des masques à l’ensemble des personnels en raison d’une pénurie nationale, le tribunal a jugé que les requérants avaient des motifs raisonnables de penser qu’ils se trouvaient, du 18 mars au 10 avril 2020, dans une situation de travail présentant un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé du fait de leur exposition sans protection suffisante à la covid-19. Ainsi, en procédant à des retenues sur leur traitement, le directeur de la plateforme de Paris-Sud-Wissous a fait une inexacte application des dispositions de l’article 6 du décret du 31 mai 2011 relatif à la santé et à la sécurité au travail à La Poste.
Le tribunal a donc conclu à l’annulation de ces décisions et au remboursement par la société La Poste des sommes indûment retenues.