Le tribunal a jugé qu’un tiers à un contrat administratif, si il est lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la résiliation de ce contrat, peut contester devant le juge du contrat la validité de cette résiliation, mais uniquement en vue d’obtenir la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi. Ainsi, saisi d’un recours par lequel le tiers à un contrat demandait l’annulation de la résiliation de ce contrat, le tribunal a requalifié ce « recours pour excès de pouvoir » en « recours de plein contentieux » visant à obtenir l’indemnisation des préjudices causés par cette résiliation.
Toutefois, le tribunal précise que cette « novation » du recours pour excès de pouvoir vers le recours de plein contentieux ne serait pas applicable au cas d’un recours demandant l’annulation de la résiliation d’un contrat conclu par une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales et formé par le préfet du département ou des élus de la collectivité concernée. En effet, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, ces élus locaux et le préfet peuvent demander au juge l’annulation pour excès de pouvoir de la résiliation d’un tel contrat.
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La commune de Ballainvilliers, dans le cadre des projets immobiliers de la zone d’aménagement concertée (ZAC) des Hauts Fresnais, avait conclu, le 21 octobre 2010, une convention de projet urbain partenarial (PUP) avec la société Natekko Promotion. Cette convention prévoyait que la commune réalise des équipements publics (ensemble scolaire composé de huit classes, restaurant scolaire, salle polyvalente et parking), et que la société Natekko Promotion prenne en charge une fraction du coût de ces équipements publics nécessaires aux besoins des futurs habitants de son propre projet immobilier et apporte à la commune les terrains non bâtis et viabilisés nécessaires au projet.
Le 19 janvier 2015, le conseil municipal de Ballainvilliers a autorisé le maire de la commune à résilier la convention conclue avec la société Natekko Promotion, pour des motifs portant sur le non respect du calendrier du projet et sur l’exécution partielle des engagements du cocontractant en matière de paiement, de rétrocession des terrains et de communication de garanties. Par la suite, le 23 janvier 2015, le maire a informé une entreprise tierce qui participait à l’exécution du contrat, la société Le domaine du Bois Fresnais, de la résiliation de cette convention. Cette société a contesté cette résiliation devant le tribunal administratif de Versailles et demandé la réparation de son préjudice.
Dans le sillage de la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, Ass., 4 avril 2014, Département de Tarn et Garonne , n°358994 ; CE, Sect., 30 juin 2017, SMPAT n°398445), le tribunal a jugé que la société Le domaine du Bois Fresnais, tiers au contrat administratif résilié, était recevable à contester la validité de cette résiliation, à condition d’être lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par cette résiliation. Concrètement, le tribunal a requalifié les conclusions à fin d’annulation présentées par la société requérante comme tendant à contester la validité de la résiliation de la convention en vue d’obtenir la réparation du préjudice qu’elle dit avoir subi.
Toutefois et en définitive, cette requalification des conclusions de la requête n’a pas été suffisante pour permettre à la société Le domaine du Bois Fresnais d’obtenir une indemnisation. En effet, ainsi que l’a fait valoir la commune dans sa défense, cette entreprise ne répondait pas à une autre des conditions de la recevabilité de sa requête et portant sur son intérêt à agir. Pour justifier d’un tel intérêt, la société a fait valoir qu’elle était titulaire de permis de construire, mais ceux-ci ne relevaient pas du champ de la convention en cause. Elle a fait encore valoir qu’elle avait procédé à l’apport de parcelles et au versement d’une contribution à la commune de Ballainvilliers pour la réalisation du projet. Mais ces circonstances étaient relatives à la mise en œuvre de la convention, avant que celle-ci ne soit résiliée, de sorte que la résiliation n’a eu aucun effet sur la situation de la société requérante.
Ainsi, à défaut pour la société requérante d’établir que la résiliation de la convention aurait, par elle-même, lésé de façon suffisamment directe et certaine ses intérêts, le tribunal a rejeté la requête de la société Le domaine du Bois Fresnais.
Les décisions jurisprudentielles de référence du Conseil d’Etat :
-, s'agissant du recours de pleine juridiction ouvert aux tiers contestant la validité du contrat : CE, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994,
- s’agissant du recours de pleine juridiction ouvert aux tiers contestant une décision refusant de mettre fin à l'exécution du contrat : CE, Section, 30 juin 2017, syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche (SMPAT), n° 398445.