Le tribunal a condamné VNF à réparer l’érosion de berges de la Seine résultant d’opérations de dragage (préjudice estimé de 2 558 750 euros), mais n’a pas reconnu la responsabilité de l’État du fait de l’augmentation du batillage (préjudice estimé de 26 232 500 euros).
Les berges de la Seine qui se trouvent sur le territoire de la commune du Coudray-Montceaux connaissent une érosion importante depuis les années 60.
Le SIARCE (syndicat intercommunal d’aménagement des réseaux et de cours d’eaux), chargé de leur aménagement et leur entretien, demandait la prise en charge par plusieurs administrations du coût des travaux de confortation rendus nécessaires par cette érosion, pour un total estimé à plus de 31 millions d’euros.
Trois zones d’érosion sont concernées. Pour l’une, située en aval d’un barrage-écluse, était mise en cause la responsabilité de la SNCF et de VNF, pour 2 558 750 euros. Pour les deux autres, situées en amont, était mise en cause la responsabilité de l’État pour 26 232 500 euros.
Sur la zone d’aval, le dragage engage la responsabilité de VNF.
Le tribunal a jugé que la responsabilité de VNF était engagée seule, dans la mesure où les glissements observés sur les berges résultaient directement des opérations de dragage nécessaires au maintien du tirant d’eau du fleuve près du barrage-écluse. Le régime de responsabilité ici appliqué est celui des dommages de travaux publics causés aux tiers. Le tribunal a condamné VNF à la somme de 2 558 780 euros ou à la réalisation des travaux de traitement des zones de glissement.
En revanche, sur cette même zone, le tribunal n’a pas retenu la responsabilité de la SNCF. Cette responsabilité était recherchée en conséquence de la construction d’un remblai ferroviaire longeant une partie de la Seine à proximité des berges en cause. Sa construction datait du XIXème siècle. Mais, même si elle n’avait pas été initialement sans conséquence, elle était bien drainée et n’avait connu aucun mouvement depuis plusieurs décennies. Une expertise avait également montré que la stabilité des berges à proximité était menacée par les dragages effectués par VNF, indépendamment de la présence du remblai. Le tribunal a en conséquence jugé qu’il n’y avait pas de lien direct de cause à effet entre la présence de ce remblai et les glissements de terrain constatés depuis les années 60.
Sur les zones d’amont, le batillage n’engage pas la responsabilité de l’État.
Le tribunal n’a pas reconnu la responsabilité l’État. Cette responsabilité était recherchée, pour les montants les plus importants, en conséquence de l’augmentation du batillage permise par la réglementation fluviale.
C’est la responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques qui était ici recherchée. Ce régime de responsabilité sans faute, permet de réparer les conséquences d’une rupture d’égalité dont serait victime un administré par rapport à l’ensemble des autres administrés. Il peut être invoqué à propos des conséquences d’une réglementation. Il suppose que le dommage invoqué soit spécial à la victime et anormal dans ses conséquences.
Ici, certes, le batillage provoqué par les bateaux sur la Seine est devenu plus important du fait de l’augmentation de leur nombre, de leur tonnage et de leur vitesse, permise par la réglementation fluviale. Et cette augmentation se trouve in fine à l’origine de l’érosion accélérée d’une partie des berges. Mais, le tribunal a jugé qu’il n’était pas prouvé que le dommage résultant de ce batillage aurait présenté un caractère anormal, c’est-à-dire excédant les inconvénients résultant de l’action naturelle des eaux (contre lesquels il appartient à chaque propriétaire riverain de se prémunir), si la construction d'un barrage-écluse dans les années 60 n'avait pas relevé les eaux du fleuve à un niveau de plus faible résistance des berges.
Voir sur la responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques du fait d’une réglementation légale, CE Ass. 1938-01-14 société anonyme des produits laitiers « La Fleurette », 51704, A et pour une réglementation de police, CE Sect. 1963-02-22 commune de Gavarnie, Lebon p.113.